Vita Nostra, Marina & Sergueï Diatchenko

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Vita Nostra

VITA NOSTRA BREVIS EST, BREVI FINIETUR…

« Notre vie est brève, elle finira bientôt…« 

C’est dans le bourg paumé de Torpa que Sacha entonnera l’hymne des étudiants, à « l’Institut des technologies spéciales ». Pour y apprendre quoi ? Allez savoir. Dans quel but et en vue de quelle carrière ? Mystère encore. Il faut dire que son inscription ne relève pas exactement d’un choix : on la lui a imposée… Comment s’étonner dès lors de l’apparente absurdité de l’enseignement, de l’arbitraire despotisme des professeurs et de l’inquiétante bizarrerie des étudiants ?

Fantasy, roman initiatique, roman d’apprentissage… On qualifie Vita Nostra par bien des termes. Plus qu’un récit un peu étrange et carrément barré, Vita Nostra est une expérience de lecture. Du moins, c’est de cette manière que je l’ai vécu, surtout après avoir tourné la dernière page hier, tard dans la nuit. Un sentiment inédit m’a habité lorsque j’ai terminé ce roman. Un peu perdue, désorientée, épuisée psychiquement… Ce qui est sûr, c’est que ce premier tome d’un triptyque ayant pour thème les métamorphoses ne m’a pas laissé de marbre. Je vais tenter de vous expliquer, mais comme durant tout mon voyage à Torpa, c’est plutôt complexe puisque déroutant.

J’ai pu voir à plusieurs reprises que l’on comparait Vita Nostra avec Harry Potter. Mmmh permettez moi d’être dubitative. Mis à part l’école et les professeurs super bizarres, la ressemblance s’arrête ici pour moi. Avec Vita Nostra, les auteurs nous poussent à aller au-delà de ce qu’on l’on perçoit au premier plan. On rentre à l’intérieur de nous-même, à l’intérieur de tout, à l’intérieur du monde. Vous ne comprenez rien ? C’est normal. Suis-je même certaine d’avoir tout compris moi-même ? Non. Et ce n’est pas grave. C’est ce qui est très fort avec ce roman. Même si on pense ne rien piger à ce qui est en train d’être expliqué et démontré, on en retire quand même quelque-chose grâce à notre propre interprétation. Souvent technique, parfois complexe, Vita Nostra prend le parti de ne pas tout expliquer clairement aux lecteurs. Un risque qui aurait pu me déstabiliser et même me faire abandonner. Mais étrangement, même perdue, je m’y retrouvais. Je sais, cette chronique c’est vraiment n’importe quoi et je pense qu’on ne peut pas réellement saisir le sens de ce que je raconte tant que l’on a pas découvert ce roman soi-même. D’où la difficulté d’en parler correctement. Comme Sacha, l’héroïne de cette histoire, tout ce que je vous dis ne sors pas comme je voudrais que ça sorte. Comme si aucun mot n’était capable de décrire mon ressenti. Car le sens des mots, et le sens de toutes choses, c’est le centre même de ce roman. Nous apprenons à découvrir une autre facette du monde jusque là invisible pour nos yeux et notre esprit non entraînés. Vita Nostra c’est une gymnastique psychique pour Sacha et pour nous. L’organisation quasi militaire de cet institut, des professeurs que l’on pourrait qualifier de tortionnaires du mental, ce roman nous livre une version d’Harry Potter bien plus glauque et violente si vous voulez mon avis !

Alexandra Samokhina (alias Sacha) est une jeune fille de seize ans qui, au début du roman, part en vacances au bord de la mer avec sa mère. Durant ces vacances, Sacha remarque qu’un homme étrange vêtu de noir l’observe, la suit. Les jours passent et Sacha craint de plus en plus pour sa vie. Jusqu’au jour où elle est bien décidée à savoir ce que cet homme lui veut ! Ce dernier lui donne une mission pour le moins… étonnante ? En effet, tous les jours à quatre heure du matin, Sacha devra se rendre à la plage, se dévêtir complètement et nager jusqu’à la bouée avant de revenir. Pourquoi ? Elle n’en sait rien mais va vite constater que les conséquences seraient désastreuses si elle refuse. Chaque nuit Sacha se livrera à ce sordide rituel. Lors de chaque retour sur le rivage, Sacha est prise de fortes douleurs au ventre et finit par vomir des pièces d’or au symbole inconnu. D’abord apeurée, la jeune fille continuera de répondre aux exigences farfelues de cet homme de manière obsessionnelle et devra réaliser d’autres missions toutes aussi insensées les unes que les autres.

Je ne vous spoil absolument rien, tout cela se déroule dans les premières pages du roman et je ne vous cache pas que je me suis dis « mais qu’est-ce que je suis en train de lire ?« . Pourtant, fascinée de page en page, je n’avais qu’une hâte : comprendre. Je ne me doutais pas que vouloir comprendre allait s’avérer bien plus compliqué que prévu ahah. Plus tard, l’homme en noir apprendra à Sacha qu’elle fera sa rentrée dans un Institut des Technologies Spéciales dans laquelle elle a été inscrite. Par qui ? Comment ? Aucune idée. Et c’est à sa rentrée dans cet institut de la ville de Torpa que l’histoire commence réellement pour Sacha, et pour nous. Aucun élève ne semble comprendre ce qu’il fait là et aucun professeur n’a l’air d’avoir envie de leur expliquer clairement ce qui va leur être enseigné. Nous savons seulement qu’il ne faut manquer la matière appelée « Spécialité » sous aucun prétexte. Durant toute la lecture, vous nagerez dans un flou total, le tout dans une ambiance assez noire. Mais j’ai adoré nager dans ce flou et je pense que c’est ce qui a rendu ce roman si particulier.

Dans cet internat, tous les élèves et particulièrement Sacha souffrent réellement. Plus le temps passe, plus ils ont tous la sensation qu’un changement est en train de s’opérer en eux sans savoir vraiment ce qu’il se passe. Le roman nous plonge vraiment dans une tension constante où l’on sent rapidement que cet institut cache quelque-chose de dangereux, qui nous dépasse. Sacha s’enfonce de plus en plus profondément dans l’enseignement jusqu’à l’obsession. L’enchaînement des exercices sans relâche, l’épuisement mental, la transformation progressive de Sacha de jeune fille à autre chose qu’on ne saurait vraiment nommer… Tous ces éléments rendent cette lecture absolument fascinante, haletante, épuisante aussi parfois.

Il est impossible pour moi de vous en dire plus car je souhaite vraiment que ceux qui décideront de le lire ne sachent rien. Comme ça a été le cas pour moi. Le lecteur vogue entre abstrait et concret, sans vraiment comprendre quoi que ce soit. C’est assez dingue de se dire que les auteurs sont parvenus à me tenir en haleine du début à la fin alors que je nageais dans un brouillard complet ! Un brouillard voulu par les auteurs qui réussissent à transformer la confusion en fascination

C’est un roman à caractère pleinement philosophique qui utilise pas mal de concepts et de théories. C’est un livre qui ne plaira sûrement pas à tout le monde. Si vous aimez comprendre et avoir les idées claires sur les événements qui se produisent lors de vos lectures, passez votre chemin. Si, au contraire, vous appréciez d’être menés vers l’inconnu, vous faire votre propre interprétation des choses, vous aimerez sûrement Vita Nostra.

 

6 commentaires sur « Vita Nostra, Marina & Sergueï Diatchenko »

      1. C’est bon à savoir, merci ^^
        (je trouve que c’est dans le traitement des personnages que l’on ressent ça, en tout cas dans mes lectures, où dans les romans jeunesse ils vont être moins complexes, le récit est plus « soft » – il y a bien sûr des exceptions et j’aime bien lire de la jeunesse de temps en temps mais c’est quand même pas pareil, dans mon ressenti ^^).

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  1. J’aime bien l’idée que le lecteur puisse comprendre de nombreux élément par lui même, quand j’ai lu dans ta chronique « Un brouillard voulu par les auteurs qui réussissent à transformer la confusion en fascination » je me suis dit : ah ouais pas mal !

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  2. Ce roman me fait terriblement envie… j’aime beaucoup quand il y a une part de mystère ! ça peut être frustrant mais d’un autre côté cela laisse libre cours à de nombreuses interprétations et rester dans le flou permet une réflexion personnelle ! Bref, il est dans ma wishlist mais va sans doute passer prochainement dans ma PAL ^^

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